Bilan des inventaires de la flore vasculaire sauvage du Potager du Roi (2001 – 2024)

Caractéristiques de cette flore et contribution à la connaissance botanique de la commune de Versailles (Yvelines)

1 – Définitions et remarques préalables

La flore vasculaire est formée des plantes possédant des vaisseaux conducteurs dans lesquels circulent l’eau et les nutriments (voir Tableau 1).


Tableau 1 : Classification des plantes vasculaires.

La flore sauvage est l’ensemble des plantes indigènes et naturalisées.

De très nombreuses espèces ont été introduites dans le Potager du Roi par semis ou plantation, plus ou moins récemment, et ont pu s’y maintenir jusqu’à maintenant. Mais certaines d’entre-elles sont indigènes ou naturalisées partout en Île-de-France. Il est donc parfois difficile de trancher entre un statut d’espèce considérée comme « sauvage » (statut retenu) et un statut d’espèce originellement semée ou plantée (statut non retenu). Dans chaque cas litigieux, un choix a dû être fait par les auteurs des inventaires. Le débat reste ouvert.

Les inventaires botaniques sont réalisés au niveau taxonomique de l’espèce. Mais il arrive que les difficultés de détermination obligent à rester prudemment à un niveau supérieur à l’espèce (Pissenlits, Ronces). A l’inverse, la détermination à un niveau inférieur à l’espèce est parfois nécessaire (Pâturin des prés, Renouée des oiseaux) pour tenir compte de différences morphologiques et écologiques notables. Le mot « taxon » désigne scientifiquement n’importe quel niveau hiérarchique, mais reste peu usité couramment. C’est pourquoi nous lui avons préféré le mot plus commun « espèce » (qui correspond d’ailleurs au véritable rang de 97 % des taxons notés dans le Potager du Roi).

Les espèces seront désignées ci-après par leur nom français retenu.

Ce bilan a été réalisé à partir des données collectées jusqu’en juillet 2024. Il ne tient pas compte des observations ultérieures, qui sont quant à elles intégrées dans les fiches-espèces régulièrement mises à jour.

2 – Caractéristiques de la flore sauvage du Potager du Roi

2a – Richesse spécifique

De 2001 à 2024, 310 espèces de végétaux vasculaires (représentant 60 familles botaniques) ont été observés dans le Potager du Roi. Un calcul simple montre que, pour ce secteur des Yvelines, sur les 9 Ha du Potager, le nombre d’espèces attendu devrait plutôt se situer entre 200 et 250.

La richesse spécifique de la flore du Potager du Roi est donc plus importante que ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Il faut certainement y voir une conséquence de l’influence humaine qui multiplie les micro-habitats, tout en s’inscrivant dans un contexte général de préservation des sols en place et de réduction des intrants.


2b – Indigénat en Île-de-France

Cinq statuts d’indigénat régional ont été retenus dans le cadre de ces inventaires pour définir la flore sauvage :

  1. Indigène (au sens strict) ou autochtone : plante qui appartient au cortège floristique originel du territoire, dans la période bioclimatique actuelle ;
  1. Indigène récent : plante indigène dans les régions adjacentes et dont l’arrivée en Île-de-France s’est faite récemment, à l’échelle humaine, de façon naturelle et progressive ;
  1. Archéophyte : plante introduite sur le territoire pendant les périodes préhistoriques et historiques (avant 1500) ;
  1. Naturalisé (au sens strict) : plante qui est bien intégrée à la végétation partout en Île-de-France, mais dont on peut supposer une introduction par les activités humaines à une date postérieure au XVIe siècle (après 1500) ;
  1. Naturalisé localement = plante naturalisée, mais qui reste, pour l’instant, localisée à un petit nombre de stations franciliennes.

Le regroupement des trois premiers statuts forme les espèces dites indigènes (en abrégé : I), celui des deux derniers statuts forme les espèces dites naturalisées (en abrégé : N).

Les espèces indigènes sont au nombre de 251, soit 81 % du total. Les espèces naturalisées sont au nombre de 59, soit 19 % du total. Parmi ces naturalisées, 15 sont classées « envahissantes ».

L’indigénat de la flore du Potager du Roi est plus faible que la moyenne régionale : 81 % d’espèces indigènes dans le Potager du Roi contre 89,7 % en moyenne pour l’Île-de-France1.


2c – Rareté régionale

Il n’a été trouvé aucune espèce  très rare (RR) ou extrêmement rare (RRR) parmi les espèces indigènes et la somme des quatre catégories les plus rares ne représente que 6 % du total des huit catégories (voir le Tableau 2 et les Figures 1 et 2).

Tableau 2 : Nombre d’espèces par classe de rareté régionale selon l’indigénat (adapté de JAUZEIN et NAWROT, 2011).

En revanche, chez les espèces naturalisées, toutes les classes de rareté sont représentées et la somme des 4 catégories les plus rares représente 48 % du total.

Au final, ces catégories AR à RRR représentent 14 % des espèces contre seulement 9 % en moyenne pour l’Île-de-France.

Figure 1 : Distribution du nombre d’espèces selon les classes de rareté régionale pour les seules espèces indigènes
Figure 2 : Distribution du nombre d’espèces selon les classes de rareté régionale pour l’ensemble des espèces

La rareté régionale de la flore du Potager du Roi est plus élevée que la moyenne, mais uniquement grâce aux espèces naturalisées.

Comme le montrent le tableau 3 et la figure 3 associée, la part des espèces naturalisées augmente régulièrement avec le degré de rareté.

Tableau 3 : Part (en %) des espèces naturalisées, selon les classes de rareté régionale
Figure 3 : Part (en %) des espèces naturalisées, selon les classes de rareté régionale


2d – Patrimonialité

Trois espèces peuvent être considérées comme patrimoniales, c’est-à-dire à statut extrêmement rare en Île-de-France : l’Orpin rougeâtre, l’Hydrocotyle commun et le Corydale jaunâtre (Figures 4, 5 et 6).

Figure 4 : Orpin rougeâtre (Sedum rubens).
Figure 5 : Corydale jaunâtre (Pseudofumaria alba)
Plante haute de 5 – 20 cm, stolonifère.
Figure 6 : Hydrocotyle commun (Hydrocotyle vulgaris).

L’Orpin rougeâtre a été découvert le 24 juillet 2024 par Pauline Frileux dans le 1er des Onze. C’est une espèce :

L’Hydrocotyle commun a été découverte par Pauline Frileux le 1er septembre 2024 dans le 2e des Onze. C’est une espèce :

Le Corydale jaunâtre est connu depuis longtemps sur un mur du Jardin Le Nôtre. Cette espèce n’aurait que 2 stations en Île-de-France : le Potager du Roi et des murs bordant le Grand Morin à Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) (JAUZEIN & NAWROT, 2011). Nous l’avons donc considérée comme naturalisée localement et extrêmement rare (RRR).
La patrimonialité de la flore sauvage du Potager du Roi est modeste mais non négligeable en contexte urbain avec 2 espèces déterminantes ZNIEFF et une extrêmement rare en Île-de-France.


2e – Vulnérabilité

Une seule espèce, l’Orpin rougeâtre, fait partie des espèces menacées en Île-de-France (catégories en caractères gras dans le Tableau 4).


Tableau 4 : Répartition des espèces du Potager du Roi selon les catégories de menaces
(Liste rouge d’Île-de-France. AUVERTet al., 2011)

La vulnérabilité de la flore sauvage du potager du Roi est donc faible.

2f – Espèces exotiques envahissantes (EEE)

Quinze espèces classées « Espèces exotiques envahissantes » (EEE) par le CBNBP (WEGNEZ, 2018) ont été observées dans le Potager du Roi.

Espèces exotiques envahissantes avérées et implantées :

  • Ailante glanduleux
  • Galéga officinal
  • Lentille d’eau minuscule
  • Renouée du Japon
  • Solidage du Canada
  • Vigne-vierge

Espèces exotiques envahissantes potentiellement implantées :

  • Armoise des Frères Verlot
  • Brome sans arêtes
  • Buddleia du Père David
  • Épilobe cilié
  • Érigéron annuel
  • Raisin d’Amérique
  • Séneçon du Cap
  • Vergerette de Sumatra
  • Vergerette du Canada

Les espèces exotiques envahissantes dans le Potager du Roi sont diversifiées mais restent sous contrôle grâce à la gestion permanente du site.

3 – Relations Habitats – Espèces

Les inventaires détaillés réalisés en 2022 et leur exploitation (relevés de terrain et tableaux phytosociologiques), ont permis de mettre en évidence des groupes d’espèces exclusives (ou nettement préférentielle) des grands types de milieux du Potager du Roi. Le tableau 5 récapitule ces résultats.


Tableau 5 : Espèces exclusives ou préférentielles des principaux types de milieu (d’après les inventaires réalisés en 2022).

4 – Contribution à la connaissance de la flore sauvage de la commune de Versailles

Les inventaires menés au Potager du Roi en 2022 et 2024 ont permis d’ajouter 23 espèces nouvelles à la flore vasculaire versaillaise par rapport à ce qui est recensé dans la base de données Lobelia du CBNBP. A remarquer que, parmi ces 23 espèces nouvelles, 14 (61 %) appartiennent aux catégories « Assez rare » à « Très rare » (voir Tableau 6).

Tableau 6 : Espèces nouvelles pour Versailles, trouvées dans le Potager du roi en 2022 ou 2024.

Ces inventaires ont également permis de retrouver 6 espèces qui n’avaient plus été signalées à Versailles depuis au moins 1937 selon la base de données Lobelia du CBNBP (voir Tableau 7).

Tableau 7 : Espèces revues à Versailles dans le Potager du Roi en 2022 ou 2024.

Le total des espèces de plantes sauvages vasculaires recensées à Versailles depuis 1700 est d’environ 900 espèces (d’après la base de données Lobelia du CBNBP). La flore sauvage du Potager du Roi contemporaine représenterait donc un tiers du total de la flore sauvage historique de la commune de Versailles.

5 – Conclusion

La flore vasculaire sauvage observée dans le Potager du Roi entre 2001 et 2024 est diversifiée et comprend une forte proportion d’espèces naturalisées, lesquelles augmentent sensiblement la rareté d’ensemble. La patrimonialité reste modeste mais non négligeable en contexte urbain.

La gestion écologique, récente (voir le protocole d’observation), semble avoir déjà porté des fruits : plus d’une centaine d’espèce nouvelles ont été notées en 2022 – 2024 par rapport à 2011 – 2012.

Cette flore présente un intérêt pédagogique certain dans le cadre de la formation à l’écologie des étudiants de l’ENSP. Les visiteurs intéressés par la botanique pourront aussi trouver un nouvel intérêt au Potager du Roi.

Bibliographie

ARNAL G. – 2021 Suivi de longue durée de la flore sauvage d’une commune francilienne (1990 – 2020). Association des naturalistes des Yvelines, le Chesnay-Rocquencourt : 294 p.

ARNAL G., ANGLADE-GARNIER J. – 2015 Flore et végétation de l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines et de ses abords. RNNSQY : 780 p.

AUVERT S., FILOCHE S., RAMBAUD M., BEYLOT A. HENDOUX F. – 2011 Liste rouge régionale de la flore vasculaire d’Île-de-France, Région IDF, MNHN / CBNBP, Paris : 80 p. + Mise à jour 2014

JAUZEIN Ph, NAWROT O. – 2011 Flore d’Île-de-France. Editions QUAE, 969 p.

WEGNEZ J. – 2018 Liste hiérarchisée des plantes exotiques envahissantes (PEE) d’Île-de-France. Version 2.0 mai 2018. Conservatoire botanique national du Bassin parisien / Muséum national d’Histoire naturelle, Paris : 32 p. + bibliographie + annexes.

Webographie

https://lobelia-cbn.fr

1 J. VALLET (CBNBP), com. pers., in ARNAL, 2021