La flore vasculaire sauvage du Potager du roi

Résultats des inventaires réalisés de 2001 à 2024 et contribution à la connaissance botanique de la commune


La flore vasculaire sauvage du Potager du roi a été inventoriée plusieurs fois entre 2001 et 2024. Le lecteur voudra bien se reporter à la rubrique « Protocole » pour connaître le calendrier et la méthodologie. La présente rubrique analyse les enseignements que l’on peut tirer de ces inventaires.

1 – Définitions et remarques préalables

La flore vasculaire est formée des plantes possédant des vaisseaux conducteurs dans lesquels circulent l’eau et les nutriments. Ces plantes se classent de la façon indiquée par le tableau 1.


Tableau 1 : Classification des plantes vasculaires.

La « flore sauvage » est l’ensemble formé par les plantes indigènes et naturalisées. Cinq statuts élémentaires ont été retenus. Le regroupement des trois premiers forme les espèces indigènes (en abrégé I). Le regroupement des deux derniers forme les espèces naturalisées (en abrégé N).

Plantes indigènes (I) :


Plantes naturalisées (N) :

De très nombreuses espèces ont été introduites dans le Potager du Roi par semis ou plantation, plus ou moins récemment, et ont pu s’y maintenir jusqu’à maintenant. Mais certaines d’entre-elles sont indigènes ou naturalisées ailleurs en Île-de-France. Il est donc parfois difficile de trancher entre espèce « sauvage » (retenue dans le cadre de ces inventaires) et espèce semée ou plantée (non retenue). Dans chaque cas litigieux, un choix a dû être fait par lors des inventaires, mais la discussion reste ouverte.

Les inventaires botaniques sont normalement réalisés au niveau taxonomique de l’espèce. Mais il arrive que les difficultés de détermination obligent à rester, prudemment, à un niveau supérieur à l’espèce (exemples : Pissenlits, Ronces). A l’inverse, la détermination à un niveau inférieur à l’espèce est parfois nécessaire pour tenir compte de différences morphologiques et écologiques notables (exemples : Pâturin des prés, Renouée des oiseaux). L’utilisation du mot « taxon », désignant scientifiquement n’importe quel niveau hiérarchique, aurait donc été préférable, mais ce mot reste peu usité. C’est pourquoi nous lui avons préféré le mot plus commun « espèce » (qui correspond d’ailleurs au véritable rang taxonomique de 96 % des taxons notés dans le Potager du Roi).

Les deux hybrides observés en 2024 ont été considérés, dans les calculs, comme des « espèces » au sens défini ci-dessus.

Les plantes seront désignées par leur nom français.

Ce bilan a été réalisé à partir des données collectées jusqu’en octobre 2024. Il sera tenu à jour, au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles données.

2 – Caractéristiques de la flore sauvage du Potager du Roi

2a – Richesse

De 2001 à 2024, 316 espèces de végétaux vasculaires, représentant 62 familles botaniques, ont été observées dans le Potager du Roi (annexe 1). Un calcul simple montre que, pour ce secteur des Yvelines, sur les 9 Ha du Potager, le nombre d’espèces attendu devrait plutôt se situer entre 200 et 250 (annexe 2).

La richesse de la flore du Potager du Roi est donc plus importante que celle à laquelle on pourrait s’attendre. Il faut certainement voir là une conséquence de l’influence humaine qui multiplie les micro-habitats. La réduction des intrants depuis quelques années (voir la rubrique « Protocole ») a aussi joué son rôle.


2b – Indigénat régional

Les espèces indigènes observées depuis 2001 sont au nombre de 254, soit 80,4 % du total. Les espèces naturalisées sont au nombre de 62 soit 19,6 % du total. Parmi ces naturalisées, 15 sont classées « envahissantes » (annexe 3).

La proportion d’espèces naturalisées dans la flore du Potager du roi est presque 2 fois plus forte que la moyenne régionale (19,6 % d’espèces naturalisées dans le Potager du roi contre 10,3 % en moyenne pour l’Île-de-France1). C’est une autre conséquence de l’emprise humaine importante et ancienne.


2c – Rareté régionale

Le tableau 2 récapitule le nombre d’espèces par classes de rareté régionale selon l’indigénat. Les figures 1 et 2 illustrent le mode de distribution.

Tableau 2 : Nombre d’espèces par classe de rareté régionale selon l’indigénat. Adapté de JAUZEIN et NAWROT, 2011 (voir l’annexe 4).
Figure 1 : Distribution du nombre d’espèces selon les classes de rareté régionale pour les seules espèces indigènes
Figure 2 : Distribution du nombre d’espèces selon les classes de rareté régionale pour l’ensemble des espèces

Il n’a été trouvé aucune espèce  « Très rare » (RR) ou « Extrêmement rare » (RRR) parmi les espèces indigènes. La somme des catégories les plus rares restantes (Assez rare – AR et Rare – R) ne représente que 6,7 % du total. En revanche, chez les seules espèces naturalisées, toutes les classes de rareté sont représentées : la somme des quatre catégories les plus rares (AR à RRR) représente 46,7 % du total. Dans l’ensemble, ces catégories AR à RRR représentent 14,6 % des espèces contre seulement 9 % en moyenne pour l’Île-de-France.

Comme le montrent le tableau 3 et la figure 3 associée, la part des espèces naturalisées augmente régulièrement avec le degré de rareté.

La rareté régionale de la flore du Potager du Roi est plus élevée que la moyenne, mais uniquement grâce aux espèces naturalisées.

Tableau 3 : Part (en %) des espèces naturalisées, selon les classes de rareté régionale
Figure 3 : Part (en %) des espèces naturalisées, selon les classes de rareté régionale


2d – Patrimonialité

Trois espèces peuvent être considérées comme patrimoniales, c’est-à-dire à statut extrêmement rare en Île-de-France : l’Orpin rougeâtre, l’Hydrocotyle commun et le Corydale jaunâtre (Figures 4, 5 et 6).

Figure 4 : Orpin rougeâtre (Sedum rubens).
Figure 5 : Corydale jaunâtre (Pseudofumaria alba)
Plante haute de 5 – 20 cm, stolonifère.
Figure 6 : Hydrocotyle commun (Hydrocotyle vulgaris).

L’Orpin rougeâtre a été découvert le 24 juillet 2024 par Pauline Frileux dans le 1er des Onze. C’est une espèce :

L’Hydrocotyle commun a été découverte par Pauline Frileux le 1er septembre 2024 dans le 2e des Onze. C’est une espèce :

Le Corydale jaunâtre est connu depuis longtemps sur un mur du Jardin Le Nôtre. Cette espèce n’aurait que 2 stations en Île-de-France : le Potager du Roi et des murs bordant le Grand Morin à Crécy-la-Chapelle (Seine-et-Marne) (JAUZEIN & NAWROT, 2011). Nous l’avons donc considérée comme naturalisée localement et extrêmement rare (RRR).


La patrimonialité de la flore sauvage du Potager du Roi est non négligeable compte tenu du contexte urbain.


2e – Vulnérabilité

Une seule espèce, l’Orpin rougeâtre, fait partie des espèces menacées en Île-de-France (catégories en caractères gras dans le Tableau 4).


Tableau 4 : Répartition des espèces du Potager du Roi selon les catégories de menaces
(Liste rouge d’Île-de-France. AUVERTet al., 2011)

La vulnérabilité de la flore sauvage du potager du Roi est donc faible.

2f – Espèces exotiques envahissantes (EEE)

Quinze espèces classées « Espèces exotiques envahissantes » (EEE) par le CBNBP (WEGNEZ, 2018) ont été observées dans le Potager du Roi.

Espèces exotiques envahissantes avérées et implantées :

  • Ailante glanduleux
  • Galéga officinal
  • Lentille d’eau minuscule
  • Renouée du Japon
  • Solidage du Canada
  • Vigne-vierge

Espèces exotiques envahissantes potentiellement implantées :

  • Armoise des Frères Verlot
  • Brome sans arêtes
  • Buddleia du Père David
  • Épilobe cilié
  • Érigéron annuel
  • Raisin d’Amérique
  • Séneçon du Cap
  • Vergerette de Sumatra
  • Vergerette du Canada

Les espèces exotiques envahissantes dans le Potager du Roi sont diversifiées mais restent sous contrôle grâce à la gestion permanente du site.

3 – Relations Habitats – Espèces

Les inventaires détaillés réalisés en 2022 et leur exploitation (relevés de terrain et tableaux phytosociologiques), ont permis de mettre en évidence des groupes d’espèces exclusives (ou nettement préférentielle) des grands types de milieux du Potager du Roi. Le tableau 5 récapitule ces résultats.


Tableau 5 : Espèces exclusives ou préférentielles des principaux types de milieu (d’après les inventaires réalisés en 2022).

4 – Contribution à la connaissance de la flore sauvage de la commune de Versailles

Les inventaires menés au Potager du Roi en 2022 et 2024 ont permis d’ajouter 23 espèces nouvelles à la flore vasculaire versaillaise par rapport à ce qui est recensé dans la base de données Lobelia du CBNBP. A remarquer que, parmi ces 23 espèces nouvelles, 14 (61 %) appartiennent aux catégories « Assez rare » à « Très rare » (voir Tableau 6).

Tableau 6 : Espèces nouvelles pour Versailles, trouvées dans le Potager du roi en 2022 ou 2024.

Ces inventaires ont également permis de retrouver 6 espèces qui n’avaient plus été signalées à Versailles depuis au moins 1937 selon la base de données Lobelia du CBNBP (voir Tableau 7).

Tableau 7 : Espèces revues à Versailles dans le Potager du Roi en 2022 ou 2024.

Le total des espèces de plantes sauvages vasculaires recensées à Versailles depuis 1700 est d’environ 900 espèces (d’après la base de données Lobelia du CBNBP). La flore sauvage du Potager du Roi contemporaine représenterait donc un tiers du total de la flore sauvage historique de la commune de Versailles.

5 – Conclusion

La flore vasculaire sauvage observée dans le Potager du Roi entre 2001 et 2024 est diversifiée et comprend une forte proportion d’espèces naturalisées, lesquelles augmentent sensiblement la rareté d’ensemble. La patrimonialité reste modeste mais non négligeable en contexte urbain.

La gestion écologique, récente (voir le protocole d’observation), semble avoir déjà porté des fruits : plus d’une centaine d’espèce nouvelles ont été notées en 2022 – 2024 par rapport à 2011 – 2012.

Cette flore présente un intérêt pédagogique certain dans le cadre de la formation à l’écologie des étudiants de l’ENSP. Les visiteurs intéressés par la botanique pourront aussi trouver un nouvel intérêt au Potager du Roi.

Bibliographie

ARNAL G. – 2021 Suivi de longue durée de la flore sauvage d’une commune francilienne (1990 – 2020). Association des naturalistes des Yvelines, le Chesnay-Rocquencourt : 294 p.

ARNAL G., ANGLADE-GARNIER J. – 2015 Flore et végétation de l’étang de Saint-Quentin-en-Yvelines et de ses abords. RNNSQY : 780 p.

AUVERT S., FILOCHE S., RAMBAUD M., BEYLOT A. HENDOUX F. – 2011 Liste rouge régionale de la flore vasculaire d’Île-de-France, Région IDF, MNHN / CBNBP, Paris : 80 p. + Mise à jour 2014

JAUZEIN Ph, NAWROT O. – 2011 Flore d’Île-de-France. Editions QUAE, 969 p.

WEGNEZ J. – 2018 Liste hiérarchisée des plantes exotiques envahissantes (PEE) d’Île-de-France. Version 2.0 mai 2018. Conservatoire botanique national du Bassin parisien / Muséum national d’Histoire naturelle, Paris : 32 p. + bibliographie + annexes.

Webographie

https://lobelia-cbn.fr

1 J. VALLET (CBNBP), com. pers., in ARNAL, 2021