Jusqu’au début des années 2000, les traitements herbicides et anti-germinatifs ont limité le développement de la flore spontanée du Potager du Roi et maintenu un sol nu sur une grande superficie. Les jardiniers ont amorcé un tournant en 2005 avec les premiers essais d’enherbement[1]. Le changement de pratiques s’est accéléré en 2011 avec le départ à la retraite du chef des cultures et trois réglementations nouvelles : l’arrêté du 12 septembre 2006 qui fixe les « délais de rentrée » sur une parcelle traitée, la loi du 17 août 2015 relative à la Transition énergétique pour la croissance verte qui prévoit la suppression des produits phytosanitaires de synthèse dans les jardins ouverts au public, et la loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, qui entend promouvoir l’agroécologie en France, à savoir « un ensemble de pratiques de production s’appuyant le plus possible sur les régulations naturelles, pour conjuguer la production d’aliments et la reproduction des ressources mobilisées »[2].
Les herbicides ont cédé la place aujourd’hui aux débroussailleuses thermiques et aux herbivores domestiques (poules et brebis) pour réguler l’expression de cette fabuleuse banque de graines nichée dans le sol. En 2011, l’écologue Marc Rumelhart, chef du département d’écologie de l’ENSP jusqu’en 2014, fait appel au botaniste Gérard Arnal, alors président de l’Association des naturalistes des Yvelines (ANY), pour inventorier la flore spontanée. Cet inventaire s’inscrit dans un programme plus vaste de recensement de la flore spontanée et cultivée du Potager du Roi, coordonné par Martine Méritan, alors adjointe au développement de l’ENSP, et financé par l’Unep. Le travail a été piloté par l’artiste et botaniste Liliana Motta, autrice de « La Petite Flore du Potager du Roi » (2012). Neuf stations, ainsi que divers murs, sont ainsi relevés (voir le plan 1).
La diversité est de 22 espèces pour la station la moins diversifiée (un carré de culture) et 85 espèces pour la plus riche (le parking Saint-Louis), avec un total de 164 espèces. Notons qu’un précédent relevé enregistré sur la base de données du Conservatoire botanique national du bassin parisien (CBNBP) faisait état de 87 espèces, identifiées le 28 septembre 2001 par le botaniste Olivier Nawrot sur le Potager du Roi. L’inventaire de 2011 – 2012 apporte donc une montée en connaissance de la flore spontanée du site. L’écart peut aussi être interprété, pour partie, comme un effet de la suppression des herbicides.
Six grands types de végétations ressortent des analyses :
En décembre 2021, Antoine Jacobsohn, agronome et historien, alors adjoint à la Direction en charge du Potager du Roi, sollicite le département d’Écologie et l’Association des naturalistes des Yvelines pour actualiser l’inventaire de la flore vasculaire spontanée du Potager du Roi et produire un catalogue photographique, à destination des étudiants paysagistes et des visiteurs.
Nous définissons un protocole à partir des végétations identifiées en 2011 et 2012. Cinq formations sont ainsi sélectionnées, avec pour chacune trois réplicats (voir le plan 2) :
Les surfaces relevées sont égales ou supérieures à l’aire minimale telle que définie par les phytosociologues. Pour les compagnes des cultures, les trois carrés choisis sont relevés dans leur intégralité à l’exception de la bande enherbée, soit une superficie d’environ 650 m² pour chacun des carrés de culture. Cette même superficie est conservée pour les relevés des prairies et des végétations post-culturales. Le jardin du 2e des Onze, peu homogène, fait l’objet d’un double relevé. Les inventaires ont été réalisés avec les bordereaux édités par le CBNBP, selon trois sessions étalées sur l’année :
Cet effort de prospection, sans néanmoins viser l’exhaustivité, a permis d’accroître considérablement les connaissances sur la flore spontanée du Potager du Roi (voir le Bilan des inventaires). Un inventaire complémentaire, réalisé en juin 2024 (voir le plan 3), a permis d’ajouter quelques espèces non encore signalées sur le site. Des fiches illustrées à partir de la base de données photographiques gérée par Gérard Arnal décrivent chacune des 310 espèces de végétaux vasculaires relevées entre 2001 et 2024 sur le Potager du Roi (voir Les Sauvages).
La collaboration avec le directeur informatique de l’ENSP Sylvain Dangin a permis d’envisager la conception d’un catalogue numérique de la flore spontanée du Potager du Roi. Au regard du format papier, l’outil informatique présentait un double avantage : une entrée multi-critères (botanique, relation plantes-insectes, comestibilité…) et un potentiel évolutif, indispensable dès lors qu’on s’intéresse au vivant. Toute nouvelle observation pourra ainsi venir actualiser cet inventaire au fil de l’eau : nouvelle plante, nouvelle localisation au sein du Potager du Roi, nouvelle interaction plante/insecte pollinisateur, ou encore nouvel usage nourricier.
[1] Voir Pauline Frileux, 2018. « La bourrache et le vers de terre : les prémices de l’agroécologie au Potager du Roi (Versailles) », Champs culturels n°29, pp. 78-85 ; Pauline Frileux, 2018. « An Agroecological Revolution at the Potager du Roi (Versailles) », in Sandrine Glatron & Laurence Granchamp (ed.) The Urban Garden City. Shaping the City with Gardens Through History, pp. 101-129.
[2] Cécile Claveirole, La transition agroécologique : défis et enjeux, Les avis du Conseil économique, social et environnemental, 2016, les éditions des Journaux officiels, p. 24.